samedi 2 août 2008

ceci qui est le plus informe (textes pour blog)




La littérature ne parle pas assez de la flemme. Elle parle de la paresse, du dilettantisme ou du vide artistique, mais je ne me souviens d’aucun texte traitant de cette impuissance à agir, malgré la volonté, malgré les capacités, un blocage handicapant nos aspirations les plus urgentes et opérant d’une origine qui nous échappe. J’ai dû combattre une terrible flemme pour écrire cet article. D’ailleurs en relisant mes anciens écrits je constate que mon absurde difficulté est devenu un thème constant, parfois d’ailleurs utilisé comme excuse au bâclé, à l’inachèvement ; sur ma tombe il aurait été écrit : « Jean Misslin, l’homme qui avait la flemme » si besoin il y avait d’une excuse pour mourir. Et pour vivre ? Tout aurait été plus simple avec une réelle paresse, instrumentalisée, stylée dans un élan dandy au risque d’échec minime. Actuellement j’écris pour ne pas filmer, je photographie pour ne pas écrire (heureusement que j’ai laissé tomber le dessin). Si j’en avais les moyens, je filmerais pour ne pas photographier, ça corserait le tout. « Fair naître les jetées / Construire un labyrinthe / De toi comme une sainte / En jouant Prométhée ».

Ce qu’on ne sait pas, c’est que Prométhée était amoureux de son aigle tortionnaire, la flèche dévorante, amoureux le torse dressé vers la combustion, l’attrait spectrale de la pourriture bataillenne, de ce rayon du soleil... Et autour de moi et de mes épouvantables conflits, le monde semble tourner : une femme s’est fait incruster un anus artificiel par erreur de l’hôpital, un homme va en prison pour avoir demandé à des passantes de lui cogner les burnes.

Il se passe souvent énormément de choses en mai. C’est comme si le monde, cet écolier, se pressait avant les vacances, qu’il avait attendu les derniers jours pour se déchaîner avant le sommeil d’été. D’abord il y a eu Explosions in the Sky, concert non-mémorable, et puis le prototype Angels in America, et les superbes ballets d’Agamatsu où il me fallait me pincer pour ne pas m’endormir, Kronos Quartet et Orestie, que je n’ai pas vu, Cannes et Desplechin, les 50 ans de ma mère, les sites SM de mon père, Sophie Calle, camion, l’assistanat à la réalisation sur un court métrage. Je semble avoir repris les vieilles habitudes d’oisiveté, lorsque me retrouvant sans identité précise puisque sans travail ni études je devais prendre celle de la Kultur, un être-film, un être-expo, un être-théâtre. Et quoi d’autre encore, Animal Collective. Il doit bien s’agir du groupe le plus attrayant de notre époque. Une sorte de fil tendu vers une direction dont on ignore l’extrémité, sur lequel a poussé des ornements, transgenres nés de l’union de la pop et de l’expérimentale, de la nature et de la technologie, du désordre et de la pureté ; des supports pour ne pas tomber du fil se faufilant entre nos organes maintenant leur éveil, comment dire, du néo-psychédélisme peut être. Tout au long de leurs compositions c’est cette impression de naissance constante, des notes les yeux écarquillés sur des paysages mouvant, et la tentation d’y tomber. On se tient en équilibre en se délectant de la possible folie d’une chute (le rêve des anges, le rêve du corps). Le Paradis selon Animal Collective a quelque chose d’infernal, ça m’a rappelé Jérôme Bosh, du bonheur dans la métamorphose, contre-nature, comme une profanation. Le sacré se trouve dans le difforme, dans ce qui n’est pas définis ainsi que la frénésie d’une danse la pulsation viscérale que peut causer un accord de notes. Le public avait l’air d’une communauté adorant leurs gourous, la tripante harmonie de leurs sécrétions musicales, de leur sève en offrande et les jeux de lumière et de signes, une messe païenne –la comparaison peut paraître ridicule mais elle est frappante sur scène, je pense notamment aux cris des plus fervents admirateurs, inutiles au premier abord, qui ne sont rien d’autre que des rituels d’appartenance à une croyance religieuse. Des cris bêtes, de bêtes, comme une réponse. La vision musicale d’Animal Collective est toute dans cette bêtise, dans cette extraction vers la roue libre vers l’univers où Dante ignorant se laisse guider ; sa vision, sa prouesse, toute dans la capacité à trouver l’illumination par le biais même de la régression hébétée de ses mélodies.
Ils n’ont pas chanté Unsolved Mysteries, ni Chores (Corps ?), dommage. Dans la salle nous devions être 5 à fumer, un d’entre nous s’est fait prendre ; les autres, tous des collabos.





C’est une question que je me pose depuis un certain temps : peut-on pardonner à un non-fumeur ?

Dans certains cas c’est envisageable. Mais, comment aborder l’abjection de cette répression anti-tabac qui finit par s’en prendre jusqu’à la représentation des clopes dans des œuvres ? A la télévision française on compte l’interdire (suivant comme d’habitude le modèle américain), à moins que ce ne soit déjà fait. Dans les exemples que j’ai en tête, il y a aussi l’affiche de Control, où la cigarette avait finit par être gommée de Ian Curtis’s bec. Mais surtout, surtout parce que bien plus symbolique, j’ai pu assister hier à un blasphème particulièrement traumatisant : dans le film Sex and the City, plus une cigarette entre les doigts de Carry B. Elle était la plus grande fumeuse de la télévision, nous l’aimions avant tout pour ça, et maintenant, quoi ? Il n’y a guère plus que Samantha pour oser porter un cigare à la main, sauf que, attention, pas une fois on ne la verra le porter à la bouche. Samantha est une femme qui baise les hommes, mais pas le système, pas Hollywood (contrairement à Sharon Stone dans Basic Instinct), n’exagérons pas. D’ailleurs le film est une véritable merde. Une « ode aux personnages» ainsi que le disent les inrocks, au points de ne ressembler qu’aux défauts de ses héroïnes : pudibond et débile comme Charlotte, moche et guimauve comme Carrie, ennuyeux et larmoyant comme Miranda, gros et aseptisé comme Samantha. Une série qui aurait fait un lifting, et qui aurait mal tourné dans un visqueux claquage de chair. Je ne me suis jamais senti aussi sale en sortant d’un cinéma.
Je dois cependant le remercier de m’avoir fait comprendre à quel point la série était nulle, nulle puritaine et normative à peine rattrapée par le visage passionnant de Miranda et les quelques bonnes répliques de Samantha. Sex and the City s’est depuis son commencement vendu comme étant la série provoc par excellence, brisant les tabous sexuels et délivrant enrobée de chaussures Chanel sa charge politiquement incorrect. Une simple vision montre qu’il n’en est rien. Le principe de la série consiste en une suite de mésaventures que subissent les quatre célibataires new-yorkaises et qui sont sensées broder un panorama de toutes les équations sexuelles et sentimentales possibles. Pour le déclenchement narratif de chaque épisode, l’accroche, il faut donc que les éléments extérieurs surgissant dans leur vie soient étrangers à une norme représentée par Carrie (la gentille fille fashion en recherche d’amour). Une confrontation à d’autres sexualités, à d’autres choix sentimentaux, confrontation en fait proposée qu’en vue de la glorification des choix de Carrie –l’amour, hétérosexuel, position du missionnaire, fidèle, avec mecs riches et plus âgés, et, dans le film, mariage, engagement, émerveillement de l’ornement nuptial. Le reste n’est que perversion et misère. Le fétichiste du pied est un grotesque pétomane. Le sado-maso est à fuir au plus vite. L’amateur de sexe public ne peut forcément baiser que dehors, prisonnier de sa débauche. Les bisexuels n’existent pas ou alors, si on en trouve, ce sont comme « des personnages d’Alice au pays des merveilles », un « effet générationnel » autarcique et désordreux sorti d’on ne sait où. Les homosexuels sont de grosses tarlouzes incapables de baiser avec des filles et les amateurs d’anulingus, limités à leur pratique de l’anulingus. Dans le film, le mec portant des chaussures de fille ne peut être rien d’autre qu’un élément comique. Chaque cas est défini, entravé, limité à lui-même ; les mélanges inattendus et incertains (de sexe, de sexualité, ou d’âge) sont des impostures et les déplacements de pulsions sont tournés au ridicule. Sex and the City est la série de la clarté sexuelle comme moyen de stigmatisation au profit des clichés du romantisme le plus mercantile : « Le diamant viendra après » dit Mr Big, se rattrapant à la fin du film de l’erreur du début, une proposition de mariage dans la cuisine (seule scène réussie) dont l’absence de miel entraîne le mauvais karma de la suite. Le géant placard à chaussures est largement préférable. S’ils pouvaient y rester.
Mes détracteurs me citeront les tirades anti-mariage de Miranda et de Samantha. Mais ce serait oublier que la première finit par se marier et que la seconde ne peut s’empêcher de verser sa larme devant l’horrible choucroute blanche de Carrie. Toute opposition aux roses clichés de l’amour de gare, dans Sex and the City, s’annule par la suite. Le but est de convaincre en douce le spectateur par une progression toute en clinquante séduction. Il DOIT s’identifier à Carrie, ce n’est pas un choix mais un ordre, et toute personne non-conforme est un pervers aigris.



Dans une moindre mesure, cette question des déterminations sexuelles selon Hollywood m’a fait penser à David Cronenberg, qui en réalisant Les Promesses de l‘Ombre a pris dans son cinéma et au cœur même de ses problématiques une direction radicalement différente. L’ensemble de l’œuvre de Cronenberg consiste en une vaste exploration du paysage corporel et de sa confrontation avec un environnement/domaine donné, constitué des éléments témoignant de la révolution organique esquissée par la fin du XXème siècle. En filmant l’étendue des nouvelles expériences transformatives qui nous est offerte, drogues sciences univers virtuel technologie chirurgie, il institue l’idée du dépassement même du corps, de l’organe fonctionnel, au profit d’un espace vierge attendant la défloraison ; un cinéma post-corporel donc, post sexuel par extension.
Les Promesses de l’Ombre est le dernier film de Cronenberg, et, on peut aisément le reconnaître, un polar dans la plus pure tradition hollywoodienne -encore plus qu’History of Violence. Ses acteurs sont des stars bankable, sa réalisation bien plus aseptisée que d’ordinaire, moins classieuse, moins sombre, parfois authentiquement vulgaire (la danse des putes), et, pour la première fois, provoquant un questionnement des sexualités selon leur définition, avec des termes moraux. Les meilleurs films de Cronenberg, Videodrom Faux Semblants Le Festin Nu Mr Butterfly Crash, sont des excursions sexuelles dont le moyen tout comme le but sont un flou, l’incertitude des objets de désir. Le plaisir dans la douleur, dans un univers virtuel où les télévisions se font fouetter / coucher avec Jeremy Irons, ou avec Jeremy Irons ? / avec un garçon, une fille, un mogwup ou autre insecte déguisé en humain ? / avec Mr Butterfly ou avec Mme Butterfly ? / avec un garçon, une fille, leurs cicatrices, une voiture, ou son accident ? Jamais ces films n’abordent le traitement psychologique ou psychanalytique, de sorte que sans distance ils font chair avec leur sujet (alors que le Crash de Ballard, souffrant des limites de la littérature, nous bombarde d’explications). On ne parle plus de film sur une pulsion, mais d’un film-pulsion, avec toute l’absence de considérations morales que cela implique. Je ne me lasse pas de revoir ces sommets, il me semble, illustrations des recherches lacaniennes quant à la chair qu’on ne voit jamais, le fond des choses, l’envers de la face, du visage, les sécrétats par excellence, la chair dont tout sort, au plus profond même du mystère, la chair en tant qu’elle est informe, que sa forme par soi-même est quelque chose qui provoque l’angoisse. Vision d’angoisse, dernière révélation du tu es ceci – Tu es ceci qui est le plus loin de moi, ceci qui est le plus informe.
Les Promesses de l’Ombre prend ce parti pris à revers. Il s’agit du seul film où la définition des sexualités a un rôle primordial, l’hétérosexualité puissante et glorieuse de Viggo Mortensen, l’homosexualité refoulée et veule de Vincent Cassel, la guerre que l’abordage de cette identification provoque. Si l’on considère l‘œuvre de Cronenberg, ces conflits entre mafieux causés par une rumeur quant à l’homosexualité de Cassel rentrent dans la logique de sa problématique, la chute venant de l’absence d’ambiguïté -ainsi que dans Mr Butterfly, lorsque John Lane se révèle n’être qu’un homme, et non la créature fantasmée par Irons. Mais, à la différence de ce film, Les Promesses de l’Ombre est de toute sa matière tournée vers Hollywood, et la chute n’est plus un lieu d’expérience mais une balance qui permettra de déterminer le bien du mal. Au final, on apprend que les putes sont des esclaves et que le véritable crime du grand méchant, entraînant sa condamnation, est d’avoir baisé une mineure, on apprend, que si Cassel finit en épave c’est parce qu’il succombe à ses penchants invertis et que si Mortensen embrasse Watts c’est parce qu’il est bon et fort et qu’elle est un peu gourde. On avait connu Cronenberg plus vigoureux. Dans un entretien qu’il accordait à Yann Tobin (Positif 425/426), il disait : « Un problème que pose le politiquement correct est l’obsession de la surface, de la symbolique apparente ». Les Promesses de l’Ombre est pourtant un film sur la recherche de la surface, de ses thèmes composants, et de sa cinématographie sous le prisme du nouvel Hollywood de par son ambition de filmer ces ombreuses promesses, celles d’être mises en lumières.
Reste la virtuose et chirurgicale perfection de la scène du hammam, combat de spartiates, implacable, «cronenbergien » reconnaîtrait-on enfin, dont le jeu consiste à découvrir l’éprouvante dégradation du sur-corps, sa vulnérabilité après la sacralisation, l’effroi maîtrisé de sa nudité face au tranchant des armes.

J’avais écrit cette suite pour blog fin mai, début juin, et je le diffuse maintenant. Entre temps on m’a volé mon sac où se trouvait un nombre essoufflant de notes, d’écrits divers. Cette disparition me rempli d’effroi, moi qui me suis toujours refusé à vivre avec la permanente crainte de la perte, ou pire, de la malfaisance d’autrui. Il n’y a rien de plus médiocre et mesquin que la paranoïa. J’avais laissé le sac à 30 cm de moi, ce n’est rien, 30 cm, on ne peut même pas appeler ça de l’inconscience. Ca me rappelle, j’avais connu quelqu’un qui se vantait d’avoir une queue de cette même taille, ou comment l’absence se transforme en présence. Mais j’ai du mal à voir à quoi peut servir une bite aussi gargantuesque. Un radar de la NASA ? Un tuyau d’arrosage ? Voilà qui plairait à cette merde de Jeff Koons. Et puis, autour de moi et de mes épouvantables conflits, les pompiers manifestent pour dire qu’ils ne sont pas fumeurs, et puis, au loin, les phoques manifestent pour dire qu’ils ne sont pas pd. Tant pitre pour eux, dirait Nadja. On aimerait écrire des Textes-Cathédrales et on se retrouve dans les toilettes du Reflet à rédiger ce qui deviendra au mieux la partie d’un Carnet de Jeunesse au pire un ectoplasme de blog, en
comptant ses sous pour la prochaine bouteille
se frottant les yeux comme s’ils étaient la lampe d’un génie endormi
se demandant si sous la cuvette se cache bien l’enchantement d’un grand bleu céleste


Sortir, la chaleur est revenue et le désir traînant des pieds facile à rattraper.


(de nouvelles illustrations plus tard)

5 commentaires:

Jilian Essandre a dit…

Je n'ai pas vu le dernier kronembourg mais j'ai beaucoup aimé ta critique très juste et enlevée de Sex and the Cité. À quand une critique de Kung-Fu Panda ?

Hannibal Volkoff a dit…

:-)
Lory t'a transmis mon message, j'espère...

Jilian Essandre a dit…

Mais justement !

Anonyme a dit…

La fin est magnifique. Pas pu lire en entier, j'y reviendrai.

Anonyme a dit…

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