Pour Christian Vanneste, la liberté d'expression des autres s'arrête là où commence la sienne
Que Christian Vanneste attaque Bertrand Delanoë pour diffamation n'étonne guère : le député UMP s'est toujours complu dans un rôle de victime, qu'il surjoue particulièrement depuis sa défaite magistrale aux dernières municipales. Mais que ce libre-penseur, chantre de la liberté d'expression, se retrouve à traîner un journal devant la justice, voilà qui est plus surprenant.
En 2004, lorsque le débat sur la pénalisation des propos sexistes et homophobes faisaient rage, des journalistes nous avaient confié leur crainte, légitime, d'être poursuivis pour avoir simplement cité des provocations homophobes, dans le cadre de leur travail. Nous nous étions alors moralement engagés à ne jamais poursuivre un auteur ou un journal, qui, de bonne foi, aurait rapporté des propos discriminatoires dans le cadre d'une interview ou d'un reportage, même si de tels propos engagent tout autant leurs auteurs que le directeur de publication du journal dans lequel ils sont diffusés.
Ainsi, quand en avril 2005, trois associations (Act Up-Paris, SOS Homophobie, et le SNEG) ont cité Christian Vanneste devant le TGI de Lille pour des propos tenus dans La Voix du Nord, nous avions eu cette discussion avec les avocats : il était hors de question poursuivre le journal qui avait rapporté les propos du député. Celui-ci a finalement été condamné pour injures discriminatoires, mais pas La Voix du Nord, jamais inquiétée durant toute la procédure.
Christian Vanneste, qui, à son tour, se lance aujourd'hui dans une procédure, n'a pas ces préventions. Ainsi ne se contente-t-il pas d'attaquer Bertrand Delanoë pour une interview donnée sur le site internet de La Voix du Nord pendant les municipales. Loin de reconnaître à La Voix du Nord d'avoir pris un risque juridique en rapportant ses propos injurieux en 2005, Christian Vanneste attaque également le journal (cf. article du JDD en ligne). Quand on se souvient que le député criait à l'atteinte à la liberté d'expression, au délit d'opinion, jusqu'à en appeler à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, parce que la procédure le visait lui, on sourit aujourd'hui.
Quelle est l'intention derrière ? Christian Vanneste a peu de chances de gagner, d'une part parce que Bertrand Delanoë ne cite pas son nom dans l'interview, et d'autre part, les allégations d'«extrémiste» et de «délinquant» au sujet d'une personne qui a objectivement fait l'objet d'une condamnation peuvent difficilement être qualifiées de diffamation. Par une procédure mal avisée, s'agirait-il de démontrer que la Justice se rangerait systématiquement du côté des mêmes, et de parfaire un portrait de victime du système?
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